Offensive de la Sarre

Rédigé le 06/03/2024
Victor Delacroix


I. Objectifs de l'offensive

Selon la convention militaire tenue en 1921 entre la France et la Pologne, l’armée française devait commencer les préparatifs de la grande offensive 3 jours après le début de la mobilisation.

Les forces françaises devaient effectivement prendre le contrôle de la zone située entre la frontière française et la ligne Siegfried et sonder les défenses allemandes.

Le secteur était défendu par la 1er armée allemande.

Au 15e jour de la mobilisation (soit le 16 septembre), l’armée française devait lancer un assaut à grande échelle contre l’Allemagne.

La mobilisation préventive a débuté en France le 26 août et le 1er septembre, la mobilisation totale a été déclarée. Cependant, elle souffrait d’un système intrinsèquement obsolète, ce qui affectait grandement sa capacité à déployer rapidement ses forces sur le terrain. Le commandement français croyait toujours aux tactiques de la Première Guerre mondiale, qui reposaient fortement sur l’artillerie stationnaire, même si cela prenait du temps à transporter et à déployer. De nombreuses pièces ont également dû être récupérées du stockage avant de pouvoir réaliser une quelconque avancée.

 

II. Une offensive devenu promenade

Presque tout le monde s’attendait à une attaque française majeure sur le front occidental peu après le début de la guerre, mais la Grande-Bretagne et la France étaient prudentes car toutes deux craignaient de grandes attaques aériennes allemandes contre leurs villes. Ils ne savaient pas que 90% des avions allemands de première ligne se trouvaient en Pologne et ils ne se rendaient pas non plus compte que les quelques unités allemandes qui tenaient la ligne avaient effectivement été « réduites à l’os » et privées de toute réelle capacité de combat, laissant les Français sans le savoir avec un avantage de 3:1 sur les Allemands.

Ce qui suivit fut ce que l’historien Roger Moorehouse appela une « fausse offensive sur la Sarre ».

Après l'invasion de la Pologne commencée le 1er septembre 1939, les Alliés déclarent la guerre à l'Allemagne le 3 septembre 1939.

Le jour même des troupes de reconnaissances françaises sont envoyées sans autorisation en territoire allemand.

Le 7 septembre, 4 jours après avoir déclaré la guerre à l'Allemagne, l’Armée française franchit la frontière allemande le 7 septembre 1939 pour pénétrer dans la Sarre, les troisième, quatrième et cinquième armées constituant le 2e groupe d'armées (GA2) sous le commandement du général Prételat (soit 9 de ses 102 divisions). La Wehrmacht était engagée dans l’attaque contre la Pologne et les Français bénéficiaient d’un avantage numérique décisif le long de la frontière avec l’Allemagne, mais les Français n’ont pris aucune mesure susceptible d’aider les Polonais.

L’offensive française avance de 10km en territoire allemand. Les populations civiles allemandes ont été évacuées et mises à l'abri des combats, tout ce qui permet de se ravitailler a été emporté ou saboté, des dizaines de milliers de mines antipersonnel (S-Mine) et antichars (Teler-Mine) ont été installées sur les routes, les chemins, les ponts, les places, dans les maisons.

Le 8 septembre, les 2 groupes de reconnaissances sont atteints par les mines, les survivants doivent renoncer.

Le 9 septembre à 3h 50 du matin, 4 divisions blindées lancent une offensive dans le secteur de la Sarre et de la Blize et occupent la majeure partie de la forêt du Warndt. Les Allemands font immédiatement sauter tous les ponts sur les cours d'eau et plusieurs dizaines de chars sont détruits par les mines. La Première armée allemande a l'ordre de ne pas mener de contre-offensive, de laisser les unités françaises avancer et de n'opposer qu'une guerre de sabotage et d'escarmouches.

Le 10 septembre, alors qu’une contre-attaque allemande mineure reprenait le village d’Apach, les forces françaises annulaient la perte quelques heures plus tard.

Le 32e régiment d’infanterie français réalise de nouveaux progrès le 12 septembre, s’emparant de la ville allemande de Brenschelbach avec la perte d’1 capitaine, d’1 sergent et de 7 soldats.

Près du point de rencontre des frontières française, allemande et luxembourgeoise, le point Schengen a été détruit.

L’offensive a été stoppée après que les forces françaises eurent pris la forêt de Warndt, d’une superficie de 7km², qui avait été lourdement minée par les Allemands.

Le 18 septembre, les divisions françaises ont progressé de 8km et le front s’étend sur 25km de large.

L'armée française est à 4km de la ligne Siegfried, bientôt à portée de l'artillerie ennemie. Mais le général Gamelin se rend compte qu'il ne dispose pas d'une artillerie de rupture, il a aussi appris que la Pologne a été envahie à l'Est par l'URSS qui est passée à l'offensive la veille. Par conséquent, les opérations sont arrêtées le 21 septembre et les troupes sont appelé à regagner leurs positions de départ sur la ligne Maginot, la ligne de front est fortifiée et la presse internationale est invitée à constater la victoire éclatante remportée par l'armée française malgré la défense acharnée des troupes allemandes. Néanmoins, certains généraux français, comme Henri Giraud, considéraient le retrait comme une occasion gâchée et faisaient connaître leur désaccord.

Les centaines de soldats français tués, en particulier ceux de la 11e division d'infanterie, dite Division de Fer, sont rapatriés discrètement pour être enterrés à Sarreguemines.

Alors que le retrait avait lieu, le 28 septembre, une contre-attaque du 18e régiment d’infanterie allemande (de la 52e division alors nouvellement formée) dans la zone située entre Bischmisheim et Ommersheim fut repoussée par les forces françaises.

Le 17 octobre, le retrait était complet.

Il y a eu environ 2 000 victimes françaises (tuées, blessées ou malades).

Ainsi, les 11 divisions de l’armée française, faisant partie du deuxième groupe d’armée, avancèrent sur 32km près de Sarrebruck et eurent capturé environ 12 villes et villages sans résistance :

- Gersheim

- Medelsheim

- Ihn

- Niedergailbach

- Bliesmengen

- Ludweiler

- Brenschelbach

- Lauterbach

- Niedaltdorf

- Kleinblittersdorf

- Auersmacher

- Sitterswald (appelé « Hitlersdorf » dans certains rapports français).

 

III. Conséquence de l'opération

Le plan général de défense de l’armée polonaise, le Plan Zachód supposait que l’offensive Alliée sur le front occidental apporterait un soulagement significatif au front polonais à l’Est.

Cependant, l’offensive limitée et timide de la Sarre n’entraîna aucun détournement des troupes allemandes.

L’assaut total des 40 divisions ne s’est jamais concrétisé.

Le 12 septembre 1939, le Conseil suprême de guerre anglo-français s’est réuni pour la première fois à Abbeville en France.

Il fut décidé que toutes les actions offensives devaient cesser immédiatement.

Le général Maurice Gamelin a ordonné à ses troupes de s’arrêter « à moins d’un kilomètre » des positions allemandes le long de la ligne Siegfried.

La Pologne n’a pas été informée de cette décision.

Au lieu de cela, Gamelin informa le maréchal Edward Rydz-Śmigły que la moitié de ses divisions étaient en contact avec l’ennemi et que les avancée françaises avaient contraient la Wehrmacht à retirer au moins 6 divisions de Pologne.

Le lendemain, le commandant de la mission militaire française en Pologne, le général Louis Faury, informe le chef d’état-major polonais, le général Wacław Stachiewicz, que la grande offensive prévue sur le front occidental doit être reportée du 17 au 20 septembre.

 

IV. Le Wehrmacht marche vers l'Ouest

La Pologne étant battue, les divisions allemandes sont transférées du front de l’Est vers le front Ouest.

L’artillerie allemande est maintenant à portée des éléments avancés de la ligne Maginot, et les avions de chasse de la Luftwaffe reviennent dans le ciel occidental.

La première armée allemande de Erwin von Witzleben mène du 16 au 24 octobre une contre-offensive.

Epaulée par une division d’infanterie, la Wehrmacht entre en France mais n’occupe que quelques kilomètres carrés et ne progressera pas jusqu’au 10 mai 1940, date du début de la Blitzkrieg allemande.

Les Allemands reprennent le reste du territoire perdu, toujours détenu par les forces de couverture françaises, qui se retirent comme prévu.

Cette contre-offensive fut le seul combat d’une certaine envergure sur la frontière durant la « drôle de guerre ».

Les rapports allemands ont reconnu la perte de :

- 196 soldats

- + de 114 disparus

- 356 blessés

Ils ont également affirmé que 11 de leurs avions avaient été abattus jusqu’au 17 octobre.

Tandis que les Français ont subi environ 2 000 victimes.

A ce moment-là, toutes les divisions françaises reçu l’ordre de se retirer dans leurs casernes le long de la ligne Maginot.

Lors du procès de Nuremberg, le commandant militaire allemand Alfred Jodl a déclaré que « si nous ne nous sommes pas effondrés dès 1939, cela était uniquement dû au fait que pendant la campagne de Pologne, les quelque 110 divisions françaises et britanniques à l’Ouest étaient restées complètement inactives contre les 23 divisions allemandes. Le général Siegfried Westphal a déclaré que si les Français avaient attaqué en force en septembre 1939, l’armée allemande « n’aurait pu tenir qu’une ou deux semaines ».

En revanche, des historiens et généraux français considèrent qu’une attaque de la ligne Siegfried était irréaliste (c’est notamment le cas du général Bourret, commandant la 5e armée), compte tenu des délais nécessaires à la mise en place, de la trop courte résistance polonaise et des moyens insuffisants des Français en artillerie lourde et en obus de rupture.